ARCACHON SUR CRIME

Alternant policier et fantastique, hommage pour une ville au passé captivant...



Troisième recueil, 7 nouvelles. Parution en mai 2006.

D'outre-mort avait moyennement marché. Les histoires se tenaient, mais le titre était un peu rébarbatif et il n'avait bénéficié d'aucune publicité. Il fallait produire autre chose. Depuis quelques temps, l'idée me démangeait d'écrire un ensemble de nouvelles sur Arcachon, comme je l'avais fait pour Bordeaux avec "Meurtres en quinconce". J'avais déjà rédigé plusieurs nouvelles en fonction des concours auxquels j'avais participé. J'adaptai certaines à la ville, j'en écrivis d'autres juste pour ce recueil... Et il remporta un vif succès. Le journal "Sud Ouest" rédigea même un petit article sympathique (voir "Dans la presse"). Il bénéficie aujourd'hui encore de critiques élogieuses (voir Témoignages Fans et "Fanettes").



Extrait...

Quand on a que l'amour...


Le râteau dessinait de légers sillons dans la terre meuble et bousculait un peu l'ordonnance des petits cailloux chauffés par le soleil de juillet. Il contournait lentement les pieds de rosiers « Lili Marlène » tout en veillant à ne pas se frotter aux tiges armées de pointes belliqueuses. La main qui le dirigeait était gantée de vert et ressemblait à un arachnide velu. Les mouvements étaient vifs et précis. De temps à autre, une seconde araignée de toile venait cueillir quelque impureté, arrachant sans effort les mauvaises herbes pour les déposer dans l'allée blanche. Il faisait chaud. La silhouette en chemisette bleue, accroupie à même les graviers, était avare de mouvements. Le tissu léger couvrait un torse puissant surmonté de larges épaules rassurantes. Le ventre plat troublait à peine l'ordonnance des boutons nacrés. Malgré la chaleur, l'homme transpirait peu. Sous le chapeau de paille jauni par les étés, deux yeux surveillaient en connaisseur le ballet bien réglé des doigts agiles et la course de l'outil. De temps en temps, l'ensemble s'immobilisait. Sous la coiffe, le regard devenait fixe et les pupilles se dilataient comme celles d'un chat aux aguets repérant sa proie. Le cœur se mettait alors à battre en sourdine. Les oreilles captaient le moindre son en provenance des alentours... Peu de bruit pourtant ! Quelques vibrations générées par la nationale lointaine, là-bas, derrière le grand rideau d'arbres qui bordait la propriété, le sifflement d'un avion, le doux ressac de la mer à l'ouest ou bien, caressées par un vent paresseux, le bruissement des feuilles qui se disputaient avec le pépiement des oiseaux... Au bout de quelques secondes d'immobilisme, les mains reprenaient leur lente danse autour des fleurs...

La maison se dressait en haut du terre-plein de verdure, bien entourée par ses congénères de « la ville d'été ». D'ancienne facture, sa façade crème cerclée de boiseries vertes observait les rares passants de ses fenêtres étroites. Sur l'arrière, les baies vitrées immaculées offraient un accès pratique à la terrasse lourde de chaleur. Au bord de la piscine bleutée, deux chaises longues tendaient leurs bras de résine pâle vers d'éventuels baigneurs. D'une petite alcôve déguisée en un coquet kiosque à musique, un ronronnement léger trahissait la présence d'une pompe électrique et d'un filtre à impuretés. L'ensemble respirait le calme, le luxe et la volupté. On aurait pu rester des heures dans ce décor enchanteur, des heures à écouter le chant des moineaux ou bien à rêvasser à des choses futiles. Le gazon coupé ras était d'un vert éclatant, une muette invite à le fouler les pieds nus. Dans les massifs, quelques plantes grasses offraient leur ventre rebondi aux brûlants rayons de l'astre diurne.

En contrebas, la silhouette bleue se releva. D'un geste rapide le jardinier récupéra les herbes abandonnées dans l'allée et les jeta au fond de la brouette métallique. L'homme consulta la grosse montre dorée accrochée à son poignet. Déposant son outil contre le rebord arrondi de la charrette, il redressa sa ferme stature, les yeux braqués sur les vitres de la maison.

- A cette heure-ci, tout doit être fini, murmura-t-il en desserrant à peine les lèvres.

Son corps vieillissant frissonna à cette idée. Oui, à cette heure-ci, le Séconal avait dû faire son effet. Il passa rapidement la main sur son visage, comme s'il voulait effacer ses paroles. Cela avait fonctionné, enfin ! Il repoussa le chapeau de paille, laissant le vent tiède jouer avec ses mèches blanches. Depuis combien de temps ce « jeu » durait-il ? Cinq ans ? Dix ans ? A quand remontait la première tentative ? C'était Josie qui avait ouvert le score, dans les années quatre-vingt dix je crois...

Denis Julin - Littérature, nouvelles et polars
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