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- Une dernière question. Pourquoi avez-vous quitté Sécuriteam 87 ?

Le technicien sursauta. Un goût de bile envahit lentement sa bouche, de la bile avec des relents de bourbon millésimé.

- Je vais vous répondre, continua l'homme brun. Vous n'avez pas su tenir votre langue. Il y a un an, vous avez déjà tenté de vendre une information semblable. Et vous avez été arrêté pour cela. Vous avez perdu votre place. Mais curieusement vous avez été relâché par la police. Pourquoi ?

L'amertume se précisa. Dumbo déglutit deux fois, avec difficulté. Se pouvait-il que...

- Encore une fois, je vais vous répondre, murmura l'homme en complet tandis que derrière lui retentissait le bruit rocailleux d'un moteur qu'on démarrait. Simplement parce que, malgré la véracité de vos informations, vous avez passé un marché avec les flics.

Dumbo n'eut même pas le temps de répondre. Un éclair d'acier cloua sa main gauche contre le volant. Hébété, il regarda sans comprendre la paire de menottes qui le liait désormais à son véhicule.

- Vous n'auriez pas dû, soupira l'homme brun en s'écartant.

Le tonnerre fondit sur la Ford. En quelques secondes, une gigantesque griffe enserra le véhicule, crochetant à travers l'acier, pulvérisant les vitres pour mieux assurer sa prise. Le Clipper parut s'envoler vers les nuages sales puis sa course bifurqua vers la gauche. La presse Bronneberg RR-5 l'attendait déjà, mâchoires d'acier ouvertes comme une vénéneuse fleur carnivore avide de chair et de métal. Dans un crissement aigu, la voiture retomba sur le plancher de travail tandis que le Perkins de 145 CV se déchaînait dans une clameur de fin du monde, couvrant les hurlements de Dumbo. Fortes de 200 tonnes de poussée nominale, les mâchoires se rétractèrent, broyant métal, plastique, chair et tissus. En moins de 60 secondes, la mise en balle fut terminée et le monstre d'acier accoucha d'un bel œuf rectangulaire, parcouru de fluides étranges scintillant sous les halogènes.

À quelques mètres de là, l'homme brun, impassible, tirait nonchalamment sur une cigarette à bout doré. Près de lui, l'un des deux hommes qui avaient suivi la conversation à l'intérieur ébaucha un bref signe de croix.

- Toujours ce côté catho, Odilon ?

- Cela ne gâche rien, répondit l'intéressé.

- Tu veux dire quelques mots pour « Dumbo » en guise d'oraison ?

- « Il est mort comme il a vécu », ça va ?

- C'est de circonstance, répondit l'homme brun en souriant, il a toujours été pressé...

Les deux hommes rirent en silence. La température continuait de descendre. La pluie avait repris du service. Ils rentrèrent dans le baraquement.

- Si je puis faire une remarque, lança Odilon, je dirais qu'à votre place, Monsieur, j'aurais sorti la mallette avant la compression, cela aurait été plus judicieux. Je me rappelle que dans Goldfinger, l'un des premiers James Bond, un malfrat finit lui aussi empaqueté, mais avec quelques lingots dans le coffre. Même si c'est du cinéma, l'histoire ne dit pas comment ils ont été récupérés.

L'homme en brun contourna le bureau, se pencha comme à l'accoutumée puis déposa sur le sous-main une deuxième mallette identique à la première.

- Simple tour de passe-passe. Je lui ai montré l'argent, ai fermé devant lui puis lui ai confié la clé après l'avoir remise sous la table. En partant, je lui ai simplement donné sa petite sœur qui patientait bien sagement au même endroit. Cette affaire me coûte beaucoup d'argent, je n'allais pas cracher sur celui-ci.

Il déverrouilla les serrures, contemplant en silence les billets presque neufs.

- Tout se présente donc bien, conclut Odilon. Votre plan se déroule sans accrocs pour le moment. Par contre, nous n'avons toujours pas réglé l'histoire de l'acrobate, celui qui devra effectuer tout le travail. On ne peut pas choisir n'importe qui. Vous êtes certain de le trouver ?

- Nous l'aurons bientôt, et ce n'est pas n'importe qui, répondit l'homme en costume tout en écrasant son mégot dans un cendrier à l'effigie d'une vieille marque automobile anglaise. C'est le meilleur...

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