D'OUTRE-MORT

Douceur et épouvante, policier et sentiments : le plus éclectique !

Et un retour de Cassandra Patte, nouvelle par nouvelle...

Pimientos faillit fermer boutique, et ce n'était pas dû aux méventes de mon premier recueil. Pour des raisons personnelles, Alexandre décida de mettre en sommeil les nouvelles publications, le temps d'y voir clair. Cela ne m'arrangeait pas car je désirais publier au moins un livre par an. Je me tournai donc vers les maisons d'éditions locales. Par un extraordinaire hasard, je jouais 2 fois par semaine au badminton, et l'un de mes partenaires, Jean-Luc, dirigeait une petite maison d'éditions avec son ami Didier. Après une ou deux réunions, il décida de publier ce deuxième recueil. Comme il ouvrait une ligne polar intitulée "Rouge Nuit", j'eus le ticket n°1 et le titre ronflant de "directeur de collection"...

Le livre parut en  septembre 2005. Pour la première et dernière fois, je ne pus choisir le titre (après quelques mois, Didier m'avoua qu'il avait fait une erreur, mais comme on dit, il n'y a que ceux qui ne font rien qui ne se trompent pas). 7 nouvelles dont Barbara, primée à Pau en 2002. À noter que la plus longue nouvelle se trouve sur cet exemplaire : "L'hôte parfait"avec ses 72 pages a empêché le libraire de Blaye de dormir durant toute une nuit (s'il lit ces lignes, il se reconnaîtra).

Commentaires lecteur / lectrice :

C'est à Cassandra Patte, une autrice rencontrée sur un salon, que je dois l'unique retour sur ce recueil (mais une analyse nouvelle par nouvelle). Je vous transcris son mail comme il est arrivé, sans en changer un seul mot... Et je vous invite à lire son roman  "Le pays de l'Ours", un polar "glaçant" dont l'action se situe au Canada. D'ailleurs j'attends la suite avec impatience (message subliminal à l'autrice, comme dirait mon ami Yves !)

D'outre-mort

A comme amour

Une nouvelle qui nous plonge dans une ambiance un peu fébrile qui caractérise l'approche du réveillon de Noël et ce personnage, Acarétain, qui est tellement absorbé par son travail et ses obligations qu'il en oublie de lever la tête pour respirer un peu. J'aime bien la façon dont un simple détail (cette enseigne qui dysfonctionne) va le faire sortir de ses gongs. Mais finalement, il en retiendra une bonne leçon de vie avec cette belle note d'espoir à la fin.


Au fil de la vie

Mon Dieu, quelle tension…et ce n'est rien de le dire ! Cette courte nouvelle m'a donné immédiatement une impression de claustrophobie intense. Je me suis sentie prise au piège avec le personnage, partageant sa panique. La fin est déroutante mais tellement belle. J'en ai eu des frissons ! J'ai trouvé que les quelques détails dans cette nouvelle ainsi que le vocabulaire employé nous basculaient bien dans l'ambiance de l'époque ! Je crois que c'est une de mes nouvelles préférées de ce recueil.


Barbara

Une nouvelle à l'humour noir dont j'ai vraiment apprécié le twist de fin ! Je l'ai relue avec plaisir pour faire ce retour car cela faisait longtemps que je ne l'avais plus en tête. On se doute que le monologue laborieux de Bernard cache quelque chose mais, si ça commence avec une préméditation de meurtre classique, on ne se doute pas que sa femme nourrit les mêmes intentions ce qui était très original !

Une seule remarque page 42 tout en bas : il y a un « La » qui traine en fin de page.


Dernière chance

J'ai bien aimé cette nouvelle qui nous plonge au cœur de la Guyane avec une histoire de cartel qui est bien ficelée en peu de page (j'admire au passage la capacité de Denis Julin à planter un décor comme celui là le temps d'une nouvelle). Cette histoire nous amène à nous demander : « si j'étais à sa place, est-ce que je l'aurais fait ? ». Là aussi un sentiment d'urgence s'empare du lecteur, l'urgence de fuir alors que quelque chose nous pousse à faire demi-tour…


L'Hôte parfait

Sans aucun doute LE coup de cœur de ce recueil de nouvelles. Elle est un peu plus longue que les autres mais c'est un vrai régal. J'ai été happée par l'histoire qui m'a littéralement glacé le sang ! Elle me fait penser un peu à « the mist » de Stephen King. En tout cas, j'ai eu cette même impression de vide à la fin, une impression qui nous oblige à poser un moment le livre pour inspirer un bon coup puis à espérer qu'on ne fera pas de cauchemars la nuit suivante !


L'élu

J'ai beaucoup aimé cette nouvelle même si elle était très courte. Elle m'a rappelée ma visite du marais Poitevin il y deux ans et les légendes que le guide touristique nous avait racontées. Peu à peu, le lecteur se laisse happer par les brumes silencieuses et mortelles du marais…comme le personnage principal !


Solange

C'est une nouvelle d'un autre genre qui dénote avec les autres nouvelles du recueil. Même si je l'ai un peu moins aimée que les autres, je l'ai trouvée très belle et touchante. Elle apporte sa dimension un peu mystique, cette pointe de mélancolie dans le récit plein de tendresse et de solitude d'une mère qui déplore la mort de son enfant.


L'amoureuse

J'ai beaucoup aimé cette nouvelle ! Une histoire de tueur en série mais dont les apparences sont trompeuses… j'adore ! Et le twist final est à glacer le sang…Pendant toute cette courte histoire, l'auteur oriente habillement notre réflexion pour nous faire penser ce qu'il veut qu'on pense. Mais finalement, il n'y avait pas d'indice particulier pour nous prouver que nous étions sur la bonne piste ! En fait, plus je la relis et plus je me dis que l'opinion naturelle que se fait le lecteur du déroulement probable de cette histoire se rapproche de l'opinion instinctive de la police. Mais encore une fois comme le montre si bien Denis dans ses nouvelles, les apparences sont trompeuses !  

Extrait...


L'hôte parfait...


Dans un hurlement de turbines, l'oiseau de sable plongea vers le sol, distant d'une centaine de mètres. Les petites silhouettes juchées sur des montures noires parurent soudain comme prises de panique et s'égaillèrent dans le sable et les rochers afin d'échapper au feu du ciel. D'un geste ferme, Michka enfonça le bouton ovoïde de la commande de tir. La mitrailleuse de 12,7 mm logée dans le nez de l'appareil cracha rageusement ses flèches de cuivre sur les cavaliers, semant la mort parmi leurs rangs. Redressant rapidement, il acheva de terroriser ses adversaires en passant au ras de leurs têtes enrubannées.

- Il y a un groupe à trois heures, Michka ! annonça Piotr tout en basculant les sélecteurs d'armement des paniers de roquettes sous l'aile droite.

Michka vira vers la nouvelle cible et, à peine aligné, déclencha le tir. Les charges hurlantes s'enfoncèrent dans la masse, projetant sable, rochers, fragments humains et animaliers à la verticale de l'objectif.

La bataille semblait terminée : çà et là les rares fuyards cherchaient refuge vers la montagne toute proche. Michka souleva la visière fumée de son casque de vol et essuya la sueur qui mouillait ses sourcils. Il jeta un coup d'œil circulaire aux cadrans : rien à signaler. Malgré la rafale qui les avait cueillis en vol, la machine n'accusait aucune avarie. Dans l'intercom, il entendit le soupir de son copilote :

- Encore quelques moudjahidin au jardin d'Allah ! Je me demande pourquoi ils nous ont attaqués, ils n'avaient rien à protéger, apparemment.

- Allah a dit qu'il fallait tuer chaque ennemi avec la rage du serpent. Ils ont voulu profiter de l'effet de surprise, espérant nous abattre au premier passage...

- Il faut vraiment être un bâtard attardé pour rêver de descendre un hélicoptère M.I 24 soviétique d'une rafale de kalachnikov. S'ils avaient eu un missile encore...

- Nous ne serions plus là pour en parler, soupira Michka... comme Povnoff !

Le silence s'installa dans l'hélicoptère blindé. Michka eut une pensée émue pour son ami Youri, disparu en vol depuis une semaine. Natif de Kiev, comme lui, ils s'étaient rencontrés en 1978 à la grande école militaire de Moscou. Malgré un parcours parsemé d'embûches, ils avaient gagné leur qualification de « pilote de l'Armée Rouge » et avaient été affectés à Izhnevartovsk, renforçant le sixième régiment d'attaque. Pendant huit ans, ils s'étaient entraînés sur bon nombre d'appareils, passant du MI 8 « Hip » transport de troupes au Kamov 25 « Hormone » de lutte anti-sous-marine, pour finalement devenir « spécialistes » du MI 24 « Hind », redoutable outil guerrier qui n'avait pas son pareil pour glisser ses douze tonnes à plus de trois cents kilomètres à l'heure au milieu des rangs adverses et les clouer au sol grâce à un armement aussi puissant que varié.

Curieusement, c'est également en 1978 qu'avait eu lieu en Afghanistan le coup d'état communiste qui avait incité l'U.R.S.S. à intervenir militairement un an plus tard. Séduit par la possibilité d'obtenir un nouvel accès à la mer, en l'occurrence l'océan indien, en annexant le pays ainsi que le Balouchkistan, le Politbureau s'était lancé dans une guerre qui n'avait eu d'éclair que le nom. Si les victoires du début avaient été prometteuses, la résistance opiniâtre des moudjahidin avait vite été génératrice de cauchemars nocturnes chez ceux qui dirigeaient l'offensive... et Dieu sait si ces gens n'étaient pas des rêveurs! Si le contrôle des grandes villes comme Kaboul, Harat et Kandahar s'était effectué sans trop de problèmes, il en était autrement pour l'intérieur du pays. La résistance afghane tenait ses quartiers dans les montagnes et harcelait les convois terrestres et aériens...

En poste à Kandahar depuis presque un an, Michka et Youri avaient sillonné le ciel, attaqué des campements rebelles, bombardé des pistes de roches et de sable et fait mordre la poussière à des centaines de ces cavaliers enragés. « La résistance fléchissait », pouvait-on lire dans « la pravda », le journal officiel du régime. Eux savaient bien qu'il n'y avait plus d'espoir. Malgré les blindés, les troupes, les soutiens aériens, les moudjahidin devenaient plus forts de jour en jour. Leurs attaques se multipliaient, ils décimaient les convois, pillaient les dépôts de munitions... Le moral des escadrons de chasse n'était déjà pas très élevé et voila que mardi dernier, Youri, son ami, son frère d'arme, avait disparu du côté de Kuh-E Baba. Son appareil, atteint par un missile sol-air avait cherché refuge dans une gorge montagneuse... Personne ne l'avait revu depuis...

Michka frémit à l'idée du sort réservé aux « infidèles » tombant entre les mains des rebelles : la mort était longue à venir mais s'apparentait à une délivrance !

- Pourvu qu'il n'ait pas trop souffert, pensa-t-il intérieurement.

- A quoi penses-tu, camarade, demanda Piotr ?

Michka détacha son regard des arêtes rocailleuses qu'il contournait habilement. Il observa la chaîne montagneuse et consulta son chronomètre.

- Je pensais qu'on pourrait aller jeter un coup d'œil vers l'endroit où est tombé Povnof. Nous avons encore suffisamment de carburant et de temps devant nous. Peut-être apercevrions nous l'épave de son appareil...

Piotr fit une grimace tout en tapotant l'indicateur de pression d'huile de la turbine numéro deux.

- Ce serait une idée valeureuse, digne d'un cosaque de Kiev, mais à condition de ne pas trop s'attarder. Je ne tiens pas à être obligé de rentrer à pied : la turbine droite recommence à chauffer !

Il ajusta sa mentonnière et ajouta :

- On peut effectuer une reconnaissance de trente minutes et ensuite, retour à la datcha !!!

Michka vira lentement sur la droite et, sourire aux lèvres, se dirigea vers la chaîne montagneuse.

...

Denis Julin - Littérature, nouvelles et polars
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